Jacques Fadat est un artiste français né en 1950 à Paris. Il enseigne les arts plastiques en Limousin, mais c’est son arrivée en Creuse qui fera de lui un grand passionné de l’art tissé. Jacques Fadat est artiste, conférencier et le créateur de plus de 300 tapisseries.
Entretien.
Vous dites dans un entretien avec Éric Lelay que l’art tissé vous fascine en ce qu’il a été présent dans toutes les civilisations. Pouvez-vous m’en dire plus ?
Le tissage de tapisserie est présent depuis plus de 2000 ans. On peut en trouver les premières traces dans les tissages coptes. L’histoire de la tapisserie est avant tout une question de valorisation, d’abord du mur, puis de ceux qui ont été ses contemporains. Les rois, les princes, les nobles, tous les commanditaires ont été magnifiés par la tapisserie.
La tenture est le reflet d’une civilisation et d’une histoire. C’est une bande dessinée qui rapporte les événements d’une époque. Par exemple, l’Apocalypse d’Angers porte des préoccupations métaphysiques et spirituels propre à une époque.
Vos projets de tapisserie semblent contenir une forte dimension collaborative, dans la naissance du projet et dans sa réalisation. Est-ce un aspect qui vous tient à cœur ou une nécessité liée à la monumentalité de la tapisserie ?
La dimension collective me tient à cœur, on est toujours plus intelligent à plusieurs. Ce travail d’équipe a un aspect compagnonnique important. La tapisserie est un métier d’art(s) où plusieurs compétences se retrouvent. C’est un travail collectif. On pourrait comparer cela à une équipe sportive, le travail du « carton » est déjà une réflexion à plusieurs, comme l’est la teinture et le tissage. Quant au travail de l’artiste, cela reste un acte de création solitaire.
Vous parlez de la tapisserie, de sa pérennité face à l’impermanence de la vie. D’après vous, quel sens a aujourd’hui la création de tapisserie dans un monde où l’on parle de l’extinction de l’humanité d’ici 150 ans ?
La fin de l’humanité, on n’en est pas sûr. J’ai du mal à entrer dans votre question.
En tant qu’artiste, cela vous effraie-t-il ?
En tant qu’artiste, non, mais en tant qu’homme, en effet. Le rôle de l’artiste est celui de visionnaire, et en ce sens, il doit prévenir, ne serait-ce que sur les dérives sociales. On pourrait dire qu’il capte une sorte de vibration. Il sent peut-être plus avant que les autres des phénomènes sociaux.
Quelle est la place de la matière dans votre œuvre ?
La matière occupe une place mineure dans la tapisserie, car de fait, la laine, la soie ou d’autres fibres « établissent » l’œuvre. Elle occupe une place majeure dans la peinture. En tant que peintre, elle me fascine. En ce sens, j’affectionne particulièrement la technique du collage de tissus divers et de matériaux colorés.
Vous dites que le métier de lissier est un métier de roi. Pouvez-vous expliquer cette phrase ?
Tout d’abord, le métier de lissier était un métier pour les Rois. C’est un savoir-faire ancestral qui permet de réchauffer et de raconter le mur. Être lissier était déjà une valorisation sociale dans la fabrication, dans la pratique d’une tradition. C’est aussi une volonté noble dans cette insatisfaction qui cherche une amélioration permanente de la forme, de la couleur, de vouloir aller toujours plus haut dans la performance.
Selon vous, qu’est-ce qu’un bon lissier ?
C’est une bonne question. Le lissier a plusieurs rôles : celui d’interprète, et en ce sens, il doit savoir être au second plan, mais il reste le conseiller majeur de l’artiste. Il est celui qui maîtrise la musicalité du tissu et qui comprend la volonté de ce dernier pour pouvoir transposer l’œuvre dans la matière textile.
Je remercie Jacques Fadat d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
Ci-dessus des œuvres tissées de Jacques Fadat.
Ci-dessous une tenture extrait de la Tenture Olympe de Gouges.
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