Depuis le 29 jun 2019 se tient à Aubusson, une exposition assez exceptionnelle : une rétrospective des Biennales de Lausanne. Une période d’effervescence extraordinaire pour le textile organisée par deux hommes : Tom Pauli et Jean Lurçat. Cette exposition est l’occasion de voir des pièces extraordinaires, comme l’Abakan rouge de Magdalena Abakanowicz ou encore les suspensions aériennes d’Elsi Giauque.

J’avais écrit un article sur les Biennales il y a quelques temps, et c’est chose exceptionnelle que de pouvoir voir ces pièces ici à Aubusson !

Elément virtuel spatial, Elsi Giauque, 1969

De l’originalité

Les biennale de Lausanne ont été une opportunité pour la tapisserie de se déployer dans toute son originalité et sa technicité. On trouve à cette époque beaucoup d’audace dans le traitement technique du textile mais également un réflexion sur ce qu’est la tapisserie. En effet, cette dernière quitte le mur pour se déployer en trois dimensions, le tissage se défait et le fil prend vie par lui-même tel qu’il existe dans les œuvres d’Elsi Giauque, par exemple.

L’une des pièces les plus remarquables de cette exposition et certainement l’Abakan rouge de l’artiste polonaise Magdalena Abakanowicz. En effet cette œuvre gigantesque se déployant en trois dimensions, tissée intégralement en sisal, laisse entrevoir une audace textile entourée de mystères et d’érotisme.

Les biennale de Lausanne ont également été un défi dans la mesure où elles ont modifié le rapport fondamental entre l’artiste et sa tapisserie. En effet, la tapisserie est usuellement le résultat principalement d’une collaboration entre l’artiste et le technicien (le Lissier). Or ces expositions successives de textile ont bousculé ce rapport initial, faisant du technicien l’artiste total de l’œuvre. La tapisserie n’est donc plus le fruit d’une collaboration mais d’une expression pure d’un Lissiers, de ses compétences techniques et l’intégralité de sa créativité.

Techniquement, c’est une oeuvre qui a été tissée en haute lisse, donc à la vertical. En dépit du monochrome rouge, on peut voir dans les détails une variété de techniques employées, comme la simple et double chaine par exemple, les sauts, etc. Les parties en suspension (dernière image) semble être réalisée en tricot.

De la matière

J’avais déjà proposé il y a quelques temps un article sur les différentes matières que l’on peut trouver en tapisserie. Les biennale à ce sujet ont été exemplaire de créativité et d’imagination. En effet les matières utilisées peuvent être aussi bien la laine que les fils synthétiques, ou encore le sisal. Cette matière naturelle laisse perplexe quant à la mixité de sa rudesse et le rendu textile une fois tissée. En effet, un a priori le visuel pourrait laisser penser que le sisal elle ne se laisse pas discipliné. Or il n’en est rien et l’Abakan rouge est bien la preuve que toutes les créations sont possibles.

On peut parler des matières, mais également les techniques utilisées pour rendre un effet de volume. Il semble que ces Biennales ont été à l’origine d’une forme d’indiscipline de la tapisserie qui cherche à se libérer de ses contraintes.

C’est ce qu’on peut voir dans cette oeuvre de Maureen Hodge, artiste anglaise, dans ce Bois d’Hiver (Winterwood). L’oeuvre est tissée en haute lisse, c’est à dire à la verticale.

Dans cette œuvre par exemple, on peut voir que cette forêt d’arbres noirs ne se contente pas de trancher par des contrastes de lumière et de couleur mais bien par des variétés de techniques qui donnent à ces arbres une vie supplémentaire et une profondeur de champ stupéfiante quant à la simplicité de l’oeuvre. En effet, ici, pas de perspective, mais ce sont les matières qui laissent entrevoir un possible cheminement.

Parmi les techniques employées dans cette forêt noire, il y a le driadi, envers et endroit, et des apports de matières naturelles et synthétiques dont je ne saurais faire une liste !

Une source d’inspiration

Les Biennales de Lausanne reste à ce jour une source d’inspiration infinie. En effet, la tapisserie tend toujours plus à coller le mur et a retrouver une technique simple et bien connue. Pourtant le champ des possibles reste encore à explorer. C’est la raison pour laquelle les Biennales de Lausanne reste une source d’inspiration infinie et reste une parenthèse essentielle dans l’histoire du textile, et surtout de la tapisserie. Elles agissent encore aujourd’hui comme une mise en garde, comme un appel à l’originalité et à la nouveauté dans un monde qui en manque cruellement.

Exposition à voir jusqu’au 6 octobre 2019 au musée Jean Lurçat à Aubusson.


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